Forum des jeunes artisans de la paix

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Dans le cadre des tournées de dialogue entre l’Est et l’Ouest, qui ont été lancées par Son Eminence le Grand Imam, le Professeur Ahmad Al-Tayeb, Cheikh d’Al-Azhar, il y a plusieurs années, dans le but de construire des ponts de dialogue et de coopération entre l’Est et l’Ouest, Son Eminence a convenu lors de la tournée du dialogue entre Al-Azhar et l’archidiocèse de Cantorbéry, à Abu Dhabi, d’entreprendre un groupe d’élite de jeunes aux initiatives créatives, pour mener un cycle de dialogue entre l’Est et l’Ouest, en une tentative de coordonner les efforts et d’unifier les visions sur les questions contemporaines, telles que la citoyenneté, la paix et la lutte contre l’idéologie extrémiste, et de donner aux jeunes la possibilité de s’intégrer et de suivre les étapes qu’ils ont commencées dans ce cadre.

Le Forum visait à former des groupes de travail de jeunes de l’Est et de l’Ouest, qui, à travers des ateliers intensifs, discuteraient d’un certain nombre d’idées et de thèmes importants auxquels les jeunes ont également participé à la sélection, et qui sont liés à leur rôle dans la construction d’une paix juste et la diffusion d’une culture de coexistence et d’intégration, et comment participer à la création de l’avenir qu’ils espèrent.

Les discussions du Forum ont porté sur le développement d’une vision pratique pour coordonner les efforts  face aux problèmes contemporains, dans lesquels les jeunes représentent une composante majeure, telles que la coexistence pacifique, l’intégration, la citoyenneté, la lutte contre l’idéologie extrémiste et la mise en avant des visions et d’initiatives que les institutions concernées adoptent, soutiennent et développent des plans pratiques pour leur mise en œuvre à l’avenir, aussi  pour servir de noyau à un groupe de travail jeunesse qui, à l’avenir, unit les jeunes avec détermination et visions précieuses du monde entier afin de contribuer à la construction d’un monde meilleur où règnent le bien et la paix.

Ce rassemblement de jeunes distingués vise à constituer une équipe mondiale de jeunes prometteurs en quête de paix, à participer à des initiatives et événements soutenus par Al-Azhar Al-Sharif et le Conseil des Sages musulmans en coopération avec l’archidiocèse de Cantorbéry. Cela dans le but qu’ils soient mis en œuvre par ces jeunes et leurs pairs à travers le monde afin de construire un monde meilleur dans lequel chacun vit dans le bien et la paix.
Vingt-cinq jeunes du monde arabe, choisis par Al-Azhar et le Conseil des Sages musulmans, ont participé au Forum, et 25 jeunes homme d’Europe, choisi par le diocèse de Cantorbéry à Londres, selon un ensemble de critères, dont les plus importantes sont : que l’âge des participant soit compris entre 20 et 25 ans, et que le candidat ait une activité sociétale, étudiante, culturelle ou religieuse, ainsi qu’une bonne maîtrise de la langue anglaise, et le capacités nécessaires pour une participation effective au Forum. Les jeunes choisis par Al-Azhar et le Conseil des Sages musulmans viennent de plusieurs pays arabes. Cette diversité religieuses, éducatives et culturelles, reflètent la richesse de l’Orient et la multiplicité de ses racines intellectuelles et culturelles.

Al-Azhar Al-Sharif, a les auspices du Grand Imam, le Professeur Ahmad Al-Tayeb, Cheikh d’Al-Azhar, a organisé un certain nombre d’ateliers préparatoires axés sur la conduite d’un dialogue avec les jeunes participants au Forum, de l’Égypte et les pays arabes, sur le concept de l’humanisme des religions, et comment consolider les valeurs de tolérance et de dialogue, et contribuer à l’industrie de la paix, et un examen des modèles de dialogue efficaces entre les institutions religieuses.

Les activités du Forum ont été lancées le 8 juillet 2018, et la cinquantaine des jeunes ont participé à une formation d’une semaine à l’Université de Cambridge, dans le but de renforcer la communication humaine entre eux, et d’échanger les opinions, les connaissances et les perceptions sur les problématiques abordées. Le programme du stage  comprenait également un certain nombre de conférences et d’ateliers visant à accroître les compétences des jeunes à faire face à la violence, à réduire les conflits et à s’engager activement dans le travail social.

Après cela, les jeunes se sont déplacés au « Lambeth Palace » à Londres, pour compléter les conférences et les ateliers. Vint ensuite la dernière réunion publique avec le Grand Imam, Cheikh d’Al-Azhar, Président du Conseil des Sages musulmans, et le Dr. Justin Welby, archevêque de l’Eglise britannique de Cantorbéry, dans le but que les chefs religieux écoutent les visions, les expériences et les propositions des jeunes. 

Ce Forum est l’une des expériences jeunesse pionnières dans le domaine du dialogue entre l’Est et l’Ouest, et c’est un véritable noyau  qui pourra servir de base pour développer un tel travail, à l’avenir, dans de nombreux pays du monde.
« Les jeunes, artisans de la paix » à Londres, le Grand Imam dit :
Au nom d’Allah, le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux
Chers jeunes réunis dans cette salle, représentants la jeunesse du monde aussi bien à l’Occident qu’à l’Orient, je vous salue, et salue en vous l’esprit incandescent, la ténacité de la détermination, la volonté puissante, la persistance de l’imagination et de l’ambition. Même si je ne suis pas l’un de vous, même si je n’ai pas le droit de parler en votre nom, après que l’ardeur de ma jeunesse se soit apaisée et disparue, et que ses rêves, ses espoirs, ses déterminations et ses persévérances soient déclinés, mes propres préoccupations et celles de ma génération que j’ai portées en ma pleine jeunesse jusqu’atteindre l’âge d’adulte, ne cessent de peser lourd sur mon existence et ma conscience suscitant ainsi la perplexité et l’interrogation, voire même la stupéfaction vis-à-vis de ce qui se passe et continue de se passer…. En effet, moi, j’appartiens à ce que l’on peut appeler la génération des victimes de guerre dans l’Orient arabe et islamique. Cette génération qui a maintenant plus de soixante-dix ans, a entendu les bourdonnements d’avions de guerre, les bruits des bombardements, les odeurs de poudre et de gaz. Elle a également vu des fleuves de sang et des restes des victimes, plus qu’elle a entendu des chansons, de la musique et de la poésie et plus qu’elle a vu des beautés de l’art et entendu du chant des rossignoles et des roucoulades des pigeons.
Je suis né alors en 1946 du siècle dernier, à une époque où le monde avait à peine essuyé ses larmes suite aux malheurs de la Seconde Guerre mondiale, une guerre dans laquelle l’Europe a perdu plus de 75 millions de ses jeunes garçons et filles dans la fleur de l’âge, ses enfants, ses adultes ainsi que ses vieux à cause des décisions despotiques et téméraires, qui n’ont pas pris en compte l’inviolabilité de l’être humain (corps et âme) qu’Allah a honoré à partir des sept cieux, et l’a préféré autres parmi Ses créatures. Cette guerre a causé l’effusion de son sang que toutes les religions, toutes les lois et la morale humaine civilisée a rendu sacré et interdit de verser si ce n’est par droit et justice.
À peine la première décennie de mon enfance écoulée en paix que commença une période pleine d’horreur que j’ai vécue dans mon village, qui abrite les monuments de la Vallée des Rois et la Vallée des Reines situées dans le côté ouest de l’ancienne ville magnifique de Louxor. Nous avons donc vécu des nuits si sombres à cause des bombardements et de la destruction. À peine une autre décennie passée, qu’une autre guerre plus cruelle et plus violente que la précédente nous a assaillis. Puis nous entrâmes une troisième guerre dans laquelle nous avons rétabli notre dignité et récupéré nos territoires usurpés...
Cependant, après une décennie où notre monde arabe et musulman a à peine bénéficié d’une longue vie de paix et de sécurité comme le reste des peuples du monde dans l’Orient et l’Occident, nous avons perdu à nouveau la paix, et nous entrâmes dans ce que l’on appelle « guerre du terrorisme », un nouveau type guerre qui ne connait pas de frontières, qui est capable de répandre la mort et la destruction. Les victimes en seront les enfants, les femmes, les jeunes et les personnes âgées dans les maisons, dans les rues, dans les magasins, dans les écoles, dans les théâtres, dans les clubs et dans les lieux des rassemblements. Ces actes perpétrés par ce nouveau terrorisme n’ont épargné les gens qui font leurs prières dans des mosquées, dans des églises ainsi que dans les lieux du culte. Tous ont été visés par ce terrorisme qui les a poursuivis en les noyant, eux et leurs enfants, dans le sang, alors qu’ils étaient en train d’accomplir leur prière. Ainsi, avec cette nouvelle terreur, aucun être humain sur Terre, à l’Est comme à l’Ouest, n’est point en sécurité quant à sa propre personne ni à sa famille.
Nous avions espéré que ce terrorisme reculerait à l’aube du XXIe siècle, et que le monde civilisé considérerait cette manipulation des esprits et des corps comme un comportement barbare et indigne de l’être humain de ce siècle où la science, l’économie, la philosophie, la littérature, l’art et la politique ont atteint la perfection en progrès et en développement. Mais nous avons été déçus par l’événement du 11 septembre au début de ce siècle, qui a fait beaucoup de victimes et a versé le sang des innocents en faisant ainsi pleurer les yeux des gens à l’Est et l’Ouest. Tout rapidement, des positions complexes ont été prises tout en ayant des répercussions trop compliquées : on a rendu l’Islam et tous les musulmans les premiers et les derniers responsables de ce terrorisme. Les cartes se sont brouillées et la religion, qui appelle à la paix et à la fraternité humaine, devint la source des inquiétudes et des hallucinations. Vous, ici, vous savez mieux que moi le phénomène de « l’islamophobie » sur lequel je n’aimerais pas m’attarder. Je voudrais tout simplement vous montrer jusqu’à quel point ce phénomène est intenable et provoqué de façon à ne pas échapper à l’intelligence de beaucoup de gens équitable, qui ont procédé à examiner ce phénomène. Cependant, je dirai brièvement :
S’il était vrai que l’Islam est une religion de terrorisme, toutes ses victimes en seraient inévitablement des non-musulmans, mais la réalité prouve que les musulmans ont été et sont encore les victimes de ce terrorisme, et la cible de ses armes et de ses manières affreuses menant à tuer et à verser le sang. Ce sont les musulmans qui en ont payé cher et payent encore le prix : sangs versés, déplacements. Cette nous montre également que les victimes non musulmanes sont moins nombreuses par rapport à ses victimes parmi les musulmans. Nous, les musulmans, nous croyons que quiconque tue une seule personne injustement et par agression, c’est comme s’il a tué toute l’humanité et que si quiconque aurait donné la possibilité de vie à une personne, en écartant de lui un danger de mort, c’est comme s’il aurait sauvé l’humanité toute entière. Je me demande alors : pouvons-nous imaginer un terrorisme appartenant au christianisme alors que la majorité de ses victimes sont des chrétiens ?!
Dans de telles situations, il est logiquement inévitable de dire que le terrorisme ne représente point nécessairement la religion qu’on manipule pour tuer les gens en son nom. Ce terrorisme prend les religions en otage après avoir manipulé, falsifié et trahi l’interprétation des textes et la compréhension de leur sens, en vue de perpétrer des crimes interdits par les religions et les livres sacrés que ces terroristes brandissent par l’une de leurs mains tandis que par l’autre ils instrumentalisent ses textes !
Ces étranges contradictions ne sont-elles pas la preuve que le terrorisme ne représente ni les religions ni leurs adeptes, mais il ressemble à un état de déviation intellectuelle et à une maladie psychiatrique. Il essaie de trouver, dans les textes des religions, des prétextes pour ses crimes. Par conséquent, on a dit à juste titre que le terrorisme n’a ni de religion ni patrie. Notre tâche est donc de le démasquer, d’y faire face et de faire de notre mieux pour affranchir les religions de son emprise.
Chers jeunes,
Ne croyez pas en ce que l’on dit que les religions célestes sont la cause des guerres et des catastrophes et que par là nous devrions nous en débarrasser et les remplacer par le progrès et le développement scientifique, technique et artistique. Il s’agit d’une question vaine aux yeux des adeptes des religions, une question dont le temps ne nous permet pas de discuter. Mai ainsi que les adeptes des autres messages divins croient que l’absence de religion, de ses valeurs et de sa morale est la cause du malheur et du trouble de l’homme à l’époque contemporaine. En plus, notre civilisation contemporaine a perdu une grande partie de ce dont l’humanité a besoin dans sa démarche d’aujourd’hui. Quand elle a tourné le dos à la guidance divine, cette civilisation a commencé de devenir une civilisation dénuée de tout sens. Il est donc devenu certain chez beaucoup de sages de notre époque que la fraternité humaine ressemble à un espoir, impossible à réaliser dans cette vie pleine d’injustice et de maux qui perturbent notre existence et les relations de coopération entre les individus et les peuples.
Et si vous — Ô jeunes — vous tenez la religion responsable du sang versé en son nom, alors vous devez endosser à notre civilisation moderne la responsabilité du sang versé au siècle dernier, en Europe, en Asie et en Afrique, voire même la responsabilité des guerres qui ont été déclenchées au début de ce siècle, et qui continuent jusqu’à ce moment à s’enflammer et où rien ni personne n’est épargné.
Est-il possible à l’un de nous de tourner les yeux sur les tas de photos d’enfants, d’hommes et de femmes morts sous des décombres et sur les rives des mers et des rivières, comme si c’était des images ordinaires, que les gens consultent en mangeant, passant leurs temps libres à s’amuser et à se délecter devant les différents médias.
Cette situation ne constitue-t-elle pas un cas où la conscience humaine est morte ou du moins est entrée dans une phase critique du coma où nous n’en connaitrons pas le sort ?!
En plus, je ne cesse de répéter ce que j’ai dit dans divers forums et meetings ici en Europe, en Asie du Sud-est et ailleurs. J’y ai souligné que les savants, les intellectuels ainsi que les hommes politiques de l’Islam ont unanimement condamné l’attentat du 11 septembre et les attentats qui s’en sont suivis, et désavoué tous les actes du terrorisme noir et leurs auteurs. Ils ont franchement déclaré leur rejet catégorique, dans les médias, les livres, les articles, les séminaires et les conférences internationales. Malgré ces efforts déployés en vue d’innocenter l’Islam et les musulmans de ces crimes odieux, l’image de « l’islamophobie » reste toujours ancrée dans l’esprit d’un large secteur de la jeunesse de l’Occident rendant ainsi plus ou moins difficile votre tâche consistant à enraciner le dialogue entre l’Occident et l’Orient.
Ô Jeunes ;
Je n’ai pas besoin de vous rappeler que des nuages bien sombres s’annoncent à l’horizon aujourd’hui en raison de la mise en vigueur de certaines théories politiques contemporaines, telles que « choc des civilisations » et « fin de l’Histoire »,la « mondialisation » ainsi que bien d’autres théories politiques qui estiment facile de remplacer la vie des gens par l’économie des armes.
Or, il est inévitablement nécessaire que les sages du monde se mettent à reconsidérer ces politiques, à en corriger les démarches et à rétablir à nouveau la vérité, la justice et l’égalité entre les hommes, le respect de l’Autre en vue de sauver de peuples entiers qui souffrent de la mort, de la pauvreté, de l’ignorance, de la maladie et du désespoir.
Nous devons savoir que si nous laissons aujourd’hui ces fléaux sans traitement international et sérieux, dénudé de l’arrogance, d’orgueil et de classification des gens entre maîtres et sujets, en civilisés et sous-développés, en noirs et blancs. Les sages ne doutent certainement point que ces fléaux seront épidémiques, transfrontaliers, transcontinentaux, et sont capables de nous ramener tous aux âges de l’ignorance et des ténèbres.
De ma part, je crois que les premiers pas sûrs sur ce chemin difficile sont la rencontre entre l’Occident et l’Orient en vue de réaliser un intérêt humain commun, et que le meilleur moyen est le dialogue qui vise à corriger d’abord l’image de la civilisation occidentale aux yeux des Arabes et des Musulmans et à rectifier aussi l’image des Arabes et des Musulmane aux yeux de l’Occident en vue d’ouvrir les portes à l’interconnaissance, à la tolérance et à la recherche des points communs — lesquels sont d’ailleurs nombreux entre les religions, les croyances et les doctrines. Je ne doute point que vous êtes les plus aptes à porter ce flambeau et à ouvrir cette longue voie.
Je crois le plus fermement qu’Allah, qui nous a créés de par Sa Miséricorde et Sa grâce, ne laissera point Ses créatures ni à la frivolité des irresponsables, ni aux manigances de Satan. C’est Allah qui est capable d’assurer suffisamment les moyens permettant de ramener l’homme sur le chemin de la paix. Vous, les jeunes, êtes certainement la source d’espoir et 
Je vous remercie pour votre aimable attention. Que la paix, la miséricorde bastion de l’espérance.
Merci pour votre attention ! Assalāmu ʻalaykum wa raḥmatu allāhi wa barakātuh (que la paix, la Miséricorde et les bénédictions d’Allah soient sur vous), le vendredi : 3 Zul Qaʻīda, 1439h. /Le 16 juillet, 2018ap.J.C)
Aḥmed al-Tayeb
  Cheikh d’Al-Azhar

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